L’envie de vivre le salariat autrement
À l’origine de La Goupille, il y a la rencontre de Guillaume, issu d’une formation aux Beaux-Arts, et de Marjolaine, architecte, derrière le comptoir et les fourneaux du Bieristan, bar-restaurant coopératif de Villeurbanne (69). « J’ai découvert le modèle Scop en intégrant l’équipe du Bieristan en 2015 », raconte Guillaume. « J’avais en parallèle à ce moment-là un projet de menuiserie. Je suis donc parti faire une formation, puis j’ai travaillé en intérim pour de grosses boîtes. Ces expériences m’ont conforté dans l’idée que voulais construire mon propre projet et mes propres outils de travail, de la conception à la fabrication. » En 2019, il décide alors de revenir travailler quelques mois au Bieristan pour comprendre plus finement le fonctionnement d’une Scop et les rouages de l’autogestion, et se met en quête d’un·e associé·e. Il rencontre alors Marjolaine. « Elle aussi souhaitait changer de voie, vivre une expérience différente du salariat classique, et prendre la main sur son outil de travail. En 30 mn, autour d’un café, on a décidé de se lancer ! » Ils se rapprochent alors du Grenade, une Scic née de la volonté de plusieurs ancien·ne·s associé·e·s de coopératives lyonnaises, dont le Bieristan, qui favorise l’intrepreneuriat et l’émergence de collectifs pour porter des projets coopératifs.
Des expériences consolidées pour un démarrage sécurisé
« On a appris en marchant », détaille Guillaume. « Car en parallèle de l’accompagnement du Grenade sur le montage du prévisionnel, les questions de gouvernance, la recherche de financements, on a rapidement bénéficié de l’effet réseau et notre carnet de commandes s’est rempli. Plusieurs Scop ou projets accompagnés par le Grenade avaient besoin de travaux de menuiserie, comme De l’Autre côté de la rue et le Court-Circuit à Lyon, l’Auberge de Boffres en Ardèche, ou encore la boulangerie Le Pain des Cairns à Grenoble. On a donc rapidement ouvert notre premier atelier à Romans, en octobre 2019, pour répondre à la demande, car grâce au bouche à oreille, d’autres chantiers professionnels ou de particuliers sont aussi venus s’ajouter. On a fait ce choix d’implantation car on avait à cœur de replacer l’artisanat en centre-ville, que ce lieu soit un espace ouvert, un espace d’échanges. Cela demande une adaptation de notre travail (pas de série, pas de grosses machines, pas de transformation de matières premières…) mais ces contraintes sont stimulantes ! » Dès le démarrage, l’objectif est de se transformer en Scop. Mais pour y parvenir dans les meilleures conditions, ils se donnent un an pour asseoir leur expérience en menuiserie, consolider leur trésorerie, et tisser un réseau à Romans et ses alentours.
Et La Goupille devint une Scop
Cette première année test est une réussite. « On peut même dire que la crise sanitaire a eu un effet positif sur notre activité », détaille Guillaume. « Les commandes de particuliers ont afflué, les gens se tournant davantage vers l’aménagement de leur intérieur en cette période. » Un local devenu trop exigu, la cadence de travail trop élevée, sont les signes pour Marjolaine et Guillaume qu’une première étape a été franchie. « Le temps était venu de recruter un 3e associé, d’investir un nouvel atelier, plus grand et mieux situé, et de nous transformer en Scop ! ». Première étape, courant 2020 : Thomas, ancien de la restauration également passé par le Bieristan, rejoint l’équipe et s’autoforme avec l’aide de ses deux collègues. Puis en octobre, La Goupille quitte ses 40 m² pour s’installer dans la « rue des artisans » de Romans, dans un local de 100 m² permettant la mise en place d’un espace de vente. « De 75 % de clientèle pro au démarrage, on est passé à un équilibre 50/50 avec la clientèle de particuliers aujourd’hui. Les chantiers que l’on a menés les premiers mois nous ont fourni une belle carte de visite. Le bouche à oreille, et l’intérêt croissant des gens pour le local, le sur-mesure, le durable, a fait le reste… » L’équipe est mûre pour son passage en Scop. « Le Grenade nous a donné tous les outils pour projeter nos envies, nos fantasmes, notre idéal. Puis l’accompagnement de l’Union régionale des Scop nous a ramenés à un principe de réalité : et maintenant, comment on fait pour pérenniser notre projet ? Quelle stratégie commerciale met-on en œuvre ? » raconte encore Guillaume.
Aujourd’hui, La Goupille envisage les mois à venir avec sérénité. Deux beaux projets l’occupent particulièrement, en plus de nombreux chantiers pour des particuliers : le chantier du Magma Terra, un bar-restaurant-coffee shop impulsé par un appel à projets de la ville de Romans, qui ouvrira ses portes en septembre, et pour lequel La Goupille réalise tout le mobilier et l’agencement. Mais aussi celui du bar-restaurant le Taille-crayon, à Villeurbanne, pour lequel elle conçoit tout l’aménagement intérieur ainsi qu’une scène pour des concerts.